Les faits Le double paradoxe
Pendant des siècles, la Lorraine oscilla entre le roi de France et les souverains de Prusse et d'Autriche.
Par mariage, la famille de Lorraine se retrouva alliée à celle régnant en Autriche, si bien que celle-ci adopta le patronyme de Habsbourg-Lorraine.
Le duc de Lorraine François choisit entre son duché et celui de Toscane.
Bref ses fidèles sujets furent quelque peu désorientés. Qu'allait devenir la Lorraine? N'allait-elle pas être happée par la France.
À cette époque, le climat et la Guerre de 30 ans avaient réduit les paysans lorrains à la misère.
Autant de bonnes raisons pour écouter le chant des sirènes, qui, aidé par des passeurs, proposait de partir s'installer quelque part dans le sud de l'Autriche-Hongrie, sur des terres offertes par la Monarchie, avec des exonérations d'impôts pendant dix ans. Le bonheur!
Le nouveau duc de Lorraine tenta de s'opposer aux départs, mais rien n'y fit. Des milliers de Lorrains et d'Alsaciens passèrent le Rhin à Kehl. De là ils rejoignirent la Bavière, empruntant de curieux petit bateaux à Ulm, pour arriver à Vienne par le Danube, puis rejoindre les lieux de colonisation. Le Banat et la Batschka les attendaient.
Finalement, les émigrés lorrains arrivèrent sur les lieux de leur installation. Un certain nombre d'entre eux avaient certainement emporté une grande fierté en suivant si loin leur duc. Une marque de fidélité qui ne pouvait que porter bonheur.
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Maison ancienne à Secusigiu (allemand : Sekeschut, hongrois : Székesút, près d'Arad. (1990) - Une idée des habitations offertes aux premiers colons venus de Lorraine ou d'ailleurs. (© JMC) |
Mais là-bas, ils cottoyaient d'autres colons : des Allemands, des Hongrois, des Bulgares, des Tchèques installés là depuis longtemps, des Serbes...
Parmi les lorrains, certains parlaient un dialecte germanique, le Platt Deutsch et d'autre un patois romand, proche du français. On les surnomma donc les Français. Quelle honte! D'autant qu'au pays, la politique faisait son chemin. Le duché de Lorraine allait revenir à Stanislas Leckzinski, ancien roi de Pologne, et surtout beau-père de Louis XV. Les jeux étaient faits. À la mort de Stanislas, le Duché reviendrait à la France. En 1767, le vieux duc chuta dans sa cheminée au Château de Lunéville. La Lorraine devenait française.
Le temps passa. Et nos colons Lorrains, devenus Français étaient de plus en plus noyés dans la masse des colons de langue allemande. Jusqu'au début du XXe siècle, il purent maintenir quelques pratiques du français. Mais ensuite, c'est l'allemand qui s'imposa à tous, accompagné du roumain devenu obligatoire, et du hongrois.
Deuxième paradoxe pour les descendants des colons lorrains, désormais on les désignait sous le qualificatif d'Allemands ou même d'Allemands du Danube (Donauschwaben). Et pourtant jusqu'à aujourd'hui ils ont gardé leurs noms typiquement lorrains, il ont gardé des coutumes, des mots dans leur langue, qui est toujours le Platt Deutsch (pratiquement celui qu'on parle toujours aussi dans la région de Bitche en Moselle). On rencontre dans le Banat des Frécots, des Griffatongs, des Maszong (Masson), des Pyot (Pillon).......
Ceux qui sont sur le territoire Roumain affirment même très fort qu'ils sont Roumains, mais citoyens allemands. Allez donc vous y retrouver.
De la Lorraine en direction de l'Est, vers un Eldorado, et par fidélité
1686 : Les Lorrains volèrent au secours de l'Empire austro-hongrois pour chasser les Turcs des plaines danubiennes
1999 : Entraide : Lipova-Lorraine aide les enfants pauvres de Lipova-Roumanie
Les Lorrains et l'Empire, dictionnaire biographique
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